Les divergences politiques dans la population chaurienne
 

Durant la guerre la population chaurienne était divisée politiquement. Cependant, son faible effectif a permis une certaine modération des idéologies. En effet, la population n'était pas suffisante pour créer des groupes d'action notables d'une part, et tout le monde se connaissait plus ou moins d'autre part, comme le dit Henri Moura, « Ici c'était un gros village : on savait que le voisin d'en face était collabo, que celui-là était milicien et donc qu'il fallait se méfier ». Néanmoins, on peut noter quelques courants idéologiques principaux adoptés par diverses parties de la population : les collaborateurs, les miliciens, les Résistants et les attentistes.

 

A) Les collaborateurs

 

Les collaborateurs, souvent appelés péjorativement « collabos », étaient les personnes qui collaboraient avec le régime de Vichy, c'est-à-dire celles qui approuvaient ses mesures et qui respectaient au mieux ses directives. L'une des principales motivations des collaborateurs est l'attachement au Maréchal Pétain.

En effet, celui-ci fut un héros de la première guerre mondiale. On attribue à cet ancien chef d'Etat-Major général que certains surnomment « le vainqueur de Verdun » de nombreuses victoires militaires (parmi lesquelles la bataille de Verdun et la bataille du Chemin-des-Dames sont les plus remarquables), ainsi qu'une direction stratégique rigoureuse et économe en vies humaines. Après la guerre, celui-ci fut donc admiré pour ces qualités et considéré comme un héros de guerre.

En 1940, lorsqu'il a pris la tête du régime de Vichy, Pétain avait 84 ans. Une partie importante du peuple français fragilisé par la « drôle de guerre » est soulagée par l'armistice, synonyme de paix, et voit en le Maréchal un héros qui a fait ses preuves et qui est capable de reconstruire la nation. Ce n'est que plus tard que les idéologies vont diverger à son égard : certains ne soutiendront pas le Maréchal dans sa politique de collaboration avec le IIIème Reich alors que d'autres continueront à le suivre en adhérant à son idéologie. Les Historiens nomment les premiers les Maréchalistes et les suivant les Pétainistes. On a toutefois souvent tendance à confondre les deux dans le terme unique de « collaborateurs ».


                                                     

Le Maréchal Philippe Pétain
BNF, Gallica

 

Pour revenir à la ville de Castelnaudary, une partie de la population était Maréchaliste. Henri Moura nous explique : « Ils sont devenus collaborateurs avec le Maréchal Pétain parce que c'était Pétain. Mais ces gens-là, à mon avis, n'ont pas fait de mal physique à une quelconque famille de la ville, c'était simplement une prise de position politique. ».
 

Le 13 juin 1942, le Maréchal Pétain s'est rendu en visite officielle à Castelnaudary (cliquez ici pour consulter un article de l'époque concernant le discours de Jean Mistler lors de cette visite). Dans son livre 1870-1945. Castelnaudary d'Auguste Fourès à Jean Mistler, Paul Tirand décrit l'engouement des Chauriens à son égard :

« Devant lui était massés les légionnaires au garde à vous et les grands mutilés. Les applaudissements éclatèrent. Tout à coup apparut un drapeau mouvant : les enfants des écoles divisés en trois groupes brandissaient des bouquets bleus, blancs et rouges. Après que la clique du 8ème d'infanterie eût sonné « Aux champs », la musique joua « La Marseillaise » ». 
                              

 
                                    
Le Maréchal Pétain en visite officielle à Castelnaudary le 13 juin 1942
Archives de Michel Dauzat


En plus de l'enthousiasme populaire vis-à-vis du Maréchal, Jean Mistler, le député-maire de Castelnaudary à cette époque, a été plusieurs fois ministre sous le régime de Vichy, mais aussi membre du Conseil National, président de la commission du suffrage universel à la Chambre des députés, président de la commission aux affaires étrangères de la Chambre des députés... Toutefois, en l'occurrence, il serait réducteur de parler de Maréchaliste, il conviendrait mieux de parler de Pétainiste, pour qualifier cet homme qui évoquait sereinement l'existence de camps de concentration dès 1940. En réaction à la proposition de celui-ci de se soumettre à Hitler afin d'éviter un conflit international, le journaliste Pierre Scize va même jusqu'à déclarer dans le Messidor d'octobre 1938 : « Sous le faux radical Mistler un hitlérien bon teint vient de paraître ».

     Ainsi, une partie de la population était collaboratrice, donc favorable à Pétain. Cependant, cet effectif a diminué avec le durcissement de la politique de Vichy (notamment avec l'arrivée au pouvoir de Pierre Laval). Certains sont restés favorables au régime et à ses idéologies de plus en plus proches de celles du IIIème Reich, alors que d'autres ont fait le choix de ne plus suivre les directives du régime.

 

B) Les miliciens

 

« J'ai la volonté de rétablir avec l'Allemagne et l'Italie des relations normales et confiantes. De cette guerre surgira inévitablement une nouvelle Europe. [...] Pour construire cette Europe, l'Allemagne est en train de livrer des combats gigantesques [...] Je souhaite la victoire allemande, parce que, sans elle, le bolchevisme demain s'installerait partout. ». Voici le discours radiodiffusé qu'a prononcé Pierre Laval le 22 juin 1942. Depuis son arrivée à la tête du gouvernement le 18 avril 1942, il a contribué à la mise en place de mesures de plus en plus radicales comme l'autorisation accordée à la Gestapo de pourchasser les Résistants français en zone libre, la création du Service du Travail Obligatoire (STO), l'organisation de rafles à grande échelle par la milice française (comme la rafle du Vel d'hiv en juillet 1942)... Ainsi, sa nouvelle politique apparaît poursuivre celle de Pétain mais de façon beaucoup plus radicale et de manière beaucoup plus soumise à l'autorité d'Hitler.
 


                                                   

Symbole de la Milice Française


     Comme nous l'avons vu plus tôt, certains Maréchalistes sont devenus Pétainistes et ont continué à supporter le gouvernement de Vichy. « Les troupes allemandes n'avaient pas meilleur auxiliaire que la milice ! » nous a déclaré Henri Moura. La milice française est une organisation issue du Service d'Ordre Légionnaire (SOL), dirigée par Joseph Darnand et ayant pour but de faire respecter les directives de Vichy. En effet, des membres de la milice étaient postés devant tous les établissements publics (mairie, poste...) de façon à faire régner l'ordre, mais surtout dans le but de montrer l'emprise et la puissance du gouvernement de Vichy. Mais cette propagande n'était pas la seule fonction des miliciens : ils pouvaient aussi assister les Allemands pour les rondes de surveillance et pour les contrôles des axes de communications. Bénévoles, les miliciens étaient finalement de réels adjuvants de la Gestapo, en conséquence de quoi ils étaient mal vus et craints par une majeure partie de la population. Cependant, les miliciens étaient relativement peu nombreux à Castelnaudary.
 

Ainsi, certains collaborateurs se sont radicalisés pour devenir miliciens ; d'autres, quant à eux, se sont modérés en refusant de suivre les directives du ministère de Vichy. Ceux-ci ont pu s'engager dans les rangs de la Résistance ou demeurer attentistes.

 

C) Les Résistants

 

L'évocation des Résistants à Castelnaudary est incontournable dans le cadre d'un concours dédié à ces personnes. C'est pourquoi toute une partie leur est consacrée.

 

D) Les attentistes

 

Les attentistes sont des personnes non engagées pour ou contre une quelconque idéologie. Lors de la seconde guerre mondiale, ce sont ceux qui ne sont pas pour le régime de Vichy, mais qui ne soutiennent pas non plus la Résistance. Ils « attendent » (d'où le terme) la fin du conflit.

Certaines personnes sont devenues attentistes par dégoût des Occupants dû au traumatisme moral de la première guerre mondiale. C'était le cas du père de Henri Moura par exemple : « Devant chez nous il y avait une place où il y avait plein de camions [Allemands], de soldats [Allemands] et tout ; et j'ai vu mon père pleurer comme un gosse (c'était un grand mutilé de Verdun). Mais après, ils étaient très corrects : ils venaient dans les maisons pour demander de l'eau très gentiment, très poliment avec beaucoup de discipline. Voilà pour une partie de la population qui ne pouvait pas admettre que nous soyons de nouveau sous la botte Allemande. ». Pour ces personnes-là, il était inconcevable de vivre une nouvelle fois sous la domination Allemande. Cependant, aller à l'encontre de celui que beaucoup considéraient encore comme un héros de guerre n'était pas une décision facile, d'où le choix de l'attentisme.

Globalement, la population chaurienne était majoritairement attentiste. En effet, une partie importante de la population travaillait dans l'agriculture, et ces gens n'auraient pu que difficilement mettre leur emploi entre parenthèses pour s'occuper d'un engagement politique : la terre n'attend pas, et en période de contraintes et de réquisitions, les pertes devaient être minimisées. Cependant, même malgré une absence apparente d'engagement, la lassitude de la population vis-à-vis des directives vichystes concernant le ravitaillement, la circulation, le couvre-feu, les réquisitions (réquisitions matérielles, alimentaires et humaines avec le STO) etc se faisait ressentir de façon de plus en plus importante (diverses manifestations, hausse du marché noir...).

Après avoir subi une si longue période de privation, et contraint par les perpétuelles réquisitions et le STO, l'opinion attentiste va s'orienter petit à petit contre le régime de Vichy. En fin 1943 et en 1944, l'annonce des débarquements alliés et les défaites successives de l'Axe ont contribué à faire basculer la majeure partie de la population chaurienne d'attentiste à gaulliste.

 

Conclusion

 

     Ainsi, comme nous venons de le voir, certaines personnes ont été de fervents partisans du régime de Vichy ou au contraire de virulents détracteurs de ce gouvernement : ce sont respectivement les miliciens et les Résistants. La grande partie d'indécis ou de personnes moins impliquées, quant à elle, est passée de Maréchaliste à attentiste, puis enfin à Gaulliste.




Créer un site
Créer un site